Province of Freedom. C’est le nom de la colonie à vocation agricole et marchande fondée en Afrique de l’Ouest par une association caritative anglaise en 1787. La Province Liberté visait à accueillir les Black Poor, anciens esclaves vivants dans la grande pauvreté à Londres. Le règlement de la colonie accordait une large place à la démocratie directe et l’autogestion, sa direction devait être assurée par un noir. Mais, mal préparée,confrontée à des difficultés matérielles et minée par des dysfonctionnements de gestion,l’expérience aura une existence éphémère.

La Province Liberté sera recapitalisée et transformée en 1791 sous le nom de Sierra Leone Compagny. Cette fois il n’est plus question d’autogestion, mais d’une direction autoritaire, assurée par un encadrement blanc.Cette seconde compagnie accueillit des esclaves d’Amérique à qui la liberté avait été promise par les Anglais au début de la guerre d’indépendance américaine s’ils rejoignaient les troupes loyalistes contre les insurgés. Après la défaite anglaise, ils avaient été évacués en Nouvelle-Écosse où ils vivaient dans des conditions difficiles. Parmi les pionniers à s’installer dans la «Ville libre» (Free Town, qui deviendra Freetown), se trouvait notamment Harry Washington,esclave fugitif de la propriété de George Washington, le père fondateur des États-Unis…

La Compagnie de la Sierra Leone ne parvint jamais à la stabilité sociale et politique en raison du ressentiment des colons face à des promesses non tenues ni à l’équilibre financier. Elle fut finalement reprise par la Couronne britannique en 1808, devenant une colonie au sens moderne du terme.

L’ouvrage propose une description de ces évènements en deux actes: acte un, la Province Liberté; acte deux, la Compagnie de la Sierra Leone. Il replace cette histoire dans le contexte des débats du XVIIIe siècle sur l’abolitionnisme et la colonisation.

La thèse que défend le livre – et sur laquelle il conclut – c’est que la reprise de la Colonie de la Sierra Leone par la Couronne britannique a provoqué le mouvement général de prise de possession des hinterlands et de création de colonies. Ce mouvement verra la politique dite des 3 C (Christianity, Commerce, Civilization) prendre le pas sur les positions de certains auteurs des Lumières opposés à la colonisation.Il débouchera en1884 sur la partition de l’Afrique lors de la conférence de Berlin.

Ce livre enfin ambitionne de rendre hommage aux héros souvent anonymes de la Province of Freedom et de la Sierra Leone Compagny, ces femmes et ses hommes qui avaient été mis en esclavage, qui parvinrent à s’enfuir et s’engagèrent dans cette utopie périlleuse. Il s’agit de restituer son humanité à la figure de l’esclave qui a tenté le retour en Afrique dans cette aventure extraordinaire et devait encore y défendre sa liberté,comme Harry Washington, le fugitif du domaine de Georges Washington et quelques-uns de ses compagnons.

Province of Freedom.

Thierry Paulais

Nouveau monde,  éditeur à Paris

224 pages

2021

Vue du fort de Bunce, un des établissements de traite des Noirs en Sierra Leone
Timbre à l’effigie de Granville Sharp, l’abolitionniste anglais